Les partis politiques promettent d’améliorer l’autonomie alimentaire du Québec, et pour protéger l’environnement, ils veulent aussi réduire l’utilisation des fertilisants minéraux et favoriser l’agriculture biologique. Ces beaux objectifs sont en opposition. Pour atteindre l’autonomie, il faut de bons rendements et une agriculture rentable. Des rendements faibles obligent à cultiver de plus grandes surfaces de terres agricoles. Ils entraînent aussi un gaspillage de ressources, car un tracteur utilise la même quantité de carburant peu importe que la récolte soit bonne ou mauvaise. Pour optimiser l’utilisation des ressources et protéger l’environnement, il faut plutôt viser à émettre le moins possible de GES et de pollution par kilo d’aliments produits. Un autre point qui nuit à notre autonomie alimentaire est que le Québec doit acheter tous ses fertilisants azotés de pays étrangers puisqu’il n’en produit pas. Ces fertilisants sont essentiels pour produire des rendements optimums et des aliments de qualité. Il faut donc considérer la construction au Québec, d’une usine de production de fertilisants azotés pour sécuriser notre autonomie alimentaire.
Les cinq principaux partis aux élections provinciales de 2022 ont tous parlé d’améliorer l’autonomie alimentaire du Québec. Les solutions avancées ont porté sur l’intensification de l’agriculture biologique ainsi que sur la réduction de l’utilisation des fertilisants minéraux et des pesticides. Ce sont de beaux principes. Par contre, aucun parti n’a même considéré la productivité des cultures ou même la rentabilité des fermes comme solution à l’autonomie alimentaire québécoise. Les récents développements de l’agriculture moderne devraient être mis à contribution afin d’avoir accès à de la nourriture en abondance, de qualité et à un prix raisonnable tout en respectant l’environnement./p>
L’autonomie alimentaire et la protection de l’environnement ne sont pas en opposition, au contraire, il faut considérer les deux dans une stratégie agricole globale. Il est essentiel d’améliorer les rendements des cultures (kg récoltés par unité de surface), la rentabilité des fermes et la qualité des aliments produits pour minimiser les effets négatifs de l’agriculture sur l’environnement.
Une saine nutrition minérale des végétaux cultivés contribue à les protéger contre des ravageurs qui réduisent les rendements, à favoriser la séquestration du carbone (réduire les GES) et à améliorer la santé des sols agricoles tout en permettant d’obtenir de bons rendements. Dans le cas contraire, une sous nutrition des plantes entraîne une baisse de productivité qui exigerait de cultiver de plus grandes surfaces de terres agricoles pour obtenir la même quantité d’aliments. De plus, dans une vision de protection de l’environnement, il faut considérer qu’un tracteur utilise environ la même quantité d’énergie par hectare peu importe le rendement de la culture. Donc, si le rendement est faible, on brûle plus de carburant par kg de nourriture produit, ce qui est une mauvaise utilisation des ressources. En résumé, une faible productivité des cultures agricoles peut causer plus de pollution que des rendements élevés qui au final seront globalement moins polluants, même s’ils nécessitent l’utilisation de fertilisants minéraux.
Autonomie alimentaire et production locale de fertilisants azotés
La plupart des plantes agricoles cultivées au Québec ont des besoins élevés en azote pour produire de bons rendements. Or, le Canada ne produit que très peu de fertilisants azotés. En effet, en 2018, environ 56 % de la production mondiale de fertilisants azotés était concentrée en Chine, aux États-Unis, en Inde et en Russie (1). Avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022, l’est du Canada importait 85 à 90% de ses besoins en fertilisants azotés de la Russie. L’imposition d’un tarif de 35% par le Canada sur notamment les fertilisants azotés provenant de la Russie a exacerbé le prix de cette denrée essentielle pour le monde agricole. De plus, ces fertilisants ont été livrés très tard au printemps et il y a eu un risque élevé de pénurie. Le Québec est donc très dépendants d’autres pays pour son approvisionnement en fertilisants azotés. Cette limitation de disponibilité des fertilisants azotés nuit clairement au développement de l’autonomie alimentaire du Québec.
À court terme, il faudra considérer la possibilité de construire une usine de production d’azote au Québec afin de sécuriser notre autonomie alimentaire. Compte tenu de l’urgence d’agir, nous devrions dans un premier temps, valoriser les ressources de gaz naturel disponible au Canada afin d’amorcer rapidement la production locale de fertilisants azotés. Par la suite, il sera possible de considérer la possibilité d’utiliser et de développer différentes filières de production électrique québécoise pour produire des fertilisants azotés sans utilisation de sources d’énergie fossile pour la production d’hydrogène, élément précurseur requis à la synthèse des fertilisants azotés.
En conséquence, produire nos engrais azotés chez nous réduirait également la pollution mondiale étant donné qu’on évite le transport de cette denrée essentielle au développement de notre autonomie alimentaire.
Référence:
Stéphan Pouleur, chef d’Équipe Autonomiste